Dès 1789, les Comités révolutionnaires créent des institutions  spécifiques dédiées aux indigents et « déshérités », sourdsmuets, aveugles, malades et aliénés. Pour « rendre les sourds à la société », ils fondent à Paris l’Institution nationale des sourds-muets. Ce lieu fermé, relevant de la bienfaisance publique, doit offrir aux enfants sourds instruction et éducation. Cette perspective d’assistance sociale s’élargit bientôt aux soins médicaux.

Comment communiquer avec ces enfants ? Avec quelle langue « commune » ? Pour quels objectifs et par quels moyens ? Des conflits parfois violents émaillent l’histoire de l’Institution, en particulier sur l’usage de la langue des signes dans l’instruction et la vie des élèves, qui suscitent des mobilisations collectives de sourds au-delà de l’Institution parisienne.

En 1880, la décision validée par l’État d’écarter définitivement la langue des signes des écoles pour sourds les pousse à revendiquer leur existence individuelle, collective et citoyenne, à travers des associations, des mouvements artistiques et sportifs, une presse dédiée et des congrès. En dépit du vote des lois Jules-Ferry (1882), les institutions nationales n’ont jamais intégré le ministère de l’Instruction publique. Entre-temps, les sourds doivent composer avec toutes les mesures, en France comme ailleurs, qui restreignent leurs droits et visent à leur normalisation, sinon leur disparition.

Depuis les années 1950, les politiques dédiées aux personnes en situation de handicap connaissent de profondes mutations : le droit à l’autodétermination prend une place croissante dans un mouvement international rejoint par l’ONU.
L’histoire de l’Institut national de jeunes sourds de Paris demeure le grand témoin des politiques et dispositions successives de notre société vis-à-vis des sourds.