Avons-nous donc si peur de nos racines que nous ayons rangé le mot « édification » et tout ce qui raccompagne au magasin des accessoires, parmi les pires travers du siècle passé ? Le terme est aujourd'hui désuet et la cause entendue : morale et vertu seraient affaire de grimace.
On se gardera des apparences. Car l'édification, phénomène multiple et d'une étonnante souplesse, introduit au cœur des préoccupations d'un siècle avant tout soucieux de bâtir. La structure des villes, leur expansion le manifestent assez. L'architecture. l'urbanisme n'offrent pourtant que la face extérieure du phénomène. La Révolution a jeté bas un ordre politique, religieux, humain : l'industrialisation crée à la marge des villes une inquiétante couche de déshérités. La société est donc à reconstruire. Philosophes, moralistes, juristes, tous prennent part à l'œuvre. Sans doute certains – l'Église, les nantis – sont-ils tentés de restaurer plus que d'inventer. Et leur effort s'accompagne d'un catéchisme sommaire à l'intention des éléments qu'il s'agit de contrôler (le peuple, les femmes, les ouvriers). Mais édifier, c'est aussi bien travailler à l'émancipation générale, construire la Répubhque ou le Socialisme, la Philosophie ou la Science – en un mot œuvrer au progrès. La part d'illusion dont se soutiennent ces espoirs n'invalide pas les avancées qui se produisent à l'époque en matière de droit, de libertés et de culture. Aux côtés de la caricature dont elle partage un moment le combat, la littérature manifeste les tensions qui habitent la société. Avec Sade, que les Lundis de Sainte­-Beuve présentent peut-être abusivement comme le vrai maître du siècle, avec Balzac el Vallès aussi, elle élabore des contre-modèles. Elle dresse surtout des monuments à la gloire de sa propre autonomie.
Loin de s'arrêter à un mot piège ou à un mot valise, l'enquête éclaire des modèles économiques et sociaux, politiques ou moraux qui appartiennent encore à notre présent.