La dédicace donne le ton : « À cet homme dont j’ignore le nom qui a sauvé ma famille en juillet 1944 à Vassieux-en-Vercors. »
Sur le plateau du Vercors, « forteresse retranchée » de la Résistance, le 21 juillet 1944, a lieu une attaque allemande par planeurs. Les habitants courent se réfugier dans les forêts avoisinantes. Pendant trois semaines, traqués, familles et amis se dispersent et se retrouvent au gré des poursuites. Le Veilleur est l’un d’eux. Un jour, le groupe qu’il accompagne est surpris par un commando. Trop vieux pour fuir assez vite, il décide d’attendre, il ne veut pas retarder les autres et risquer de les faire découvrir et tuer. Les soldats arrivent, le tuent et le laissent. L’errance continue pour le reste du groupe. L’accalmie revenue, mi-août, on entreprend de ramasser les morts pour les reconnaître et les enterrer. Quand on enlève le corps du Veilleur, sa silhouette dessinée par l’herbe apparaît distinctement sur le sol.

L’ouvrage s’articule autour de cette figure du Veilleur, en trois parties, selon trois régimes d’écriture. Le premier relate l’émotion ressentie par l’auteure à la visite de la nécropole de Vassieux. Le souvenir de cet homme remonte : « Il est mort et nous serons épargnés tous ses descendants que nous serons. » Ce premier texte traite du rapport auteur-événement ou auteur-histoire, de la prise de conscience du lien (ou de la distance) entre le « JE » qui écrit  aujourd’hui et le « ON » qui a transmis l’histoire, que le récit poétique entremêle. Le deuxième texte, un récit en prose, raconte la mort du Veilleur.
Le troisième texte est une série de variations poétiques sur le temps et l’éternel retour. « Passé, présent, futur » sont mis en écho avec « printemps, été, automne ». L’auteure établit des liens avec la mémoire de l’exil et l’exode des nombreux réfugiés de l’histoire et du temps présent.